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Précarité en France
24 janvier 2006

Précarité et stages abusifs ( emplois déguisés )

J'ai commencé à chercher un emploi il y a 2 ans, je sortais alors de l'Université avec un Master Droit de l'entreprise, spécialité « Droit du multimédia et des systèmes d'information ».
Et désormais, un constat s'impose : pour espérer décrocher un emploi avec un contrat de travail, il faut obligatoirement avoir 3 à 5 ans d'expérience dans un poste comparable.
Dès lors, comment peut-on acquérir cette expérience compte tenu du fait qu'il n'y pas de postes pour débutants sur le marché visible du travail ?
La réponse ne fait aucun doute: les stages ...

Les stages proposés sont très nombreux, mais les descriptifs peuvent être très surprenant pour un profane: il est très fréquent qu'ils exigent à la fois expérience et autonomie. On peut même découvrir des stages pour lesquels sont prévus des "primes de rendement" promises verbalement, lors des premiers contact. Dès lors, peut-on encore parler de stage ?! Le plus souvent ces "stages" sont de 6 mois, ils peuvent être reconductibles, sorte de CDD précaire mais sans salaire, sans cotisation retraite avec la fameuse indemnité de stage qui, lorsqu'elle est versée, n'excède pas, dans la majorité des cas, 30 % du SMIC.
De plus, pour pouvoir postuler à ces "stages", il est nécessaire de fournir une convention de stage, c'est à dire de s'inscrire de façon fictive dans une université, payer les droits de scolarité et la couverture sociale.
Au final, c'est bel et bien au demandeur d'emploi de payer pour travailler et cela même après avoir acquis la fameuse expérience dont on parle bien souvent pour justifier ces stages... ( NB: une acquisition d'expérience qui se fait en solo ou entre stagiaires puisque les employeurs n'apportent aucune formation et aucune aide et se contentent de donner des dossiers à traiter et une deadline - oui il est bien question ici de stages... bidons !).

Dès lors, la question de la transformation du stage en CDI apparaît particulièrement marginale, les employeurs ou recruteurs ne faisant même plus l'effort de la promettre: lorsqu'un stagiaire part, un autre prend sa place et ainsi de suite... et d'ailleurs, le système est à ce point dévoyé que certaines structures comptent plus de stagiaires que de salariés. On peut s'interroger de l'efficacité sur cette dérive de la nouvelle charte de bonne conduite encadrant désormais les stages..., un texte non contraignant en appelant à la bonne volonté, alors que la mauvaise foi des personnes concernées semblent avérée dans nombre de cas.

L'une des conséquences de ce système de stages abusifs est de précariser une population déjà faible et de les maintenir dans cette précarité. Certains font le choix de partir ou sont cooptés par leurs réseaux ou proches. Les autres, les plus nombreux, subissent cette précarisation qui est sciemment orchestrées. Lorsqu'on subit la précarité, il est difficile de louer un logement. L'indemnité de stage ne suffisant pas à payer le loyer... dès lors une inégalité se creuse entre, d'un coté, ceux qui ont des moyens, des parents aisés ou des amis compréhensifs ayant un logement et, de l'autre coté,  ceux n'ayant pas de logement providentiel et ne pouvant pas payer un loyer. Ces derniers sont contraints d'abandonner ce pourquoi ils ont fait leurs études et d'aller vers des emplois de subsistances, des emplois purement alimentaires peu gratifiants et qui ne permettent pas de se construire une carrière professionnelle.

Au delà de la question de la location d'un logement qui est déjà problématique, l'achat d'un logement apparaît totalement inaccessible, d'autant plus avec le contrat nouvel embauche... qui, au mieux, est un contrat précaire, au pire un contrat de premier licenciement ( les employeurs préférant mettre un terme au contrat avant l'expiration de la période de 2 ans ). De plus, le contexte immobilier actuel, avec des prix toujours plus hauts, finit d'achever les dernières velléités d'accession à la propriété, sauf à s'endetter sur des périodes de 30 ans comme cela se pratique désormais ! Et dans ce dernier cas, qu'adviendra t'il  en cas de période de chomage prolongée...

Évidemment, fonder une famille dans un tel contexte et avec un avenir qui se teint de précarité à tous les étages paraît pour le moins difficile... et on ne peut qu'être admiratif pour ceux qui font ce choix malgré tout.

Quant à parler de l'action du gouvernement, on ne peut que s'interroger, puisque les mesures prises  ne font, en réalité, qu'accentuer une situation déjà préoccupante, à savoir une paupérisation croissante et durable d'une partie de plus en plus importante de la population. De cette paupérisation, rien de bon n'est à attendre, sauf pour les entreprises qui, dans un premier temps du moins, peuvent exploiter à vil prix de la main d'œuvre corvéable à souhait.

Aujourd'hui, ce sont les plus faibles qui sont concernés. Demain, l'ensemble des actifs seront concernés.
Le minimum que l'on puisse faire est de signer la pétition de Génération Précaire :
http://www.generation-precaire.org et de faire front contre cette évolution de notre société. 

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"Ne devrait-on pas revendiquer un statut et une rémunération suffisante, non seulement pour les plus de trois mois, mais aussi pour les moins de trois mois ? Bref, la totalité des stagiaires, toute durée de stage confondue ?"

C'est bien la pierre angulaire du problème en France : les stagiaires n'ont pas droit à une rémunération décente qui leur permettrait, au moins, de payer la location d'un logement. On se voile la face lorsque l'on affirme que les stages ont pour vocation de former les gens alors que désormais, c'est de moins en moins le cas, le stage étant devenu qu'un moyen de faire travailler, quasiement gratuitement, des personnes ayant déjà les compétences !

Le système est ainsi fait aujourd'hui que c'est à celui qui veut travailler de payer ... et une foi qu'il aura fait plus de 2 à 3 ans de stages cumulés ( minimum ) , il pourra espérer, du moins en théorie, un Contrat Nouvel Embauche ou assimilé -- ce type de contrat va être progressivement étendu à l'ensemble des actifs --... Avec ces nouveaux contrats, l'actif devra travailler avec la peur au ventre d'être licencié du jour au lendemain, sans motif. En conséquence, on ne discute pas salaire avec le patron, on ne prend pas ses congés, on ne tombe pas malade, on accepte les conditions de travail même si mauvaises, on ne compte pas ses heures ... ). Difficile dans ces conditions d'avoir des actifs épanouis qui pouponnent et/ou qui pensent à construire un avenir à notre société qui en a de plus en plus besoin. Notre société est un bateau ivre sans capitaine ( démission des politiques actuels qui se laissent séduire par la voie la plus facile )  avec des millions de rameurs aveugles ou amorphes dont l'energie ne sert, à ce jour, qu'a précipiter le bateau vers un iceberg pourtant visible... ( cf la situation sociale, écologique et technoloqique ).

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